Le vieil homme marchait, son regard pétillant derrière ses lunettes en demi-lune, un petit sourire satisfait surplombant une barbe d’argent interminable. Dans les couloirs de Poudlard, c’était l’effervescence : élèves et professeurs se dirigeaient vers la Grande Salle pour une urgence de dernière minute. On criait, riait, sortait des rangs, déjouait l’autorité des enseignants débordés… L’atmosphère annonçait un grand évènement.

Le directeur s’installa dans la Grande Salle alors qu’elle était encore vide. Tortillant un parchemin de très bonne qualité entre ses longs doigts fins, il jeta un œil au sceau rouge du Ministère qui, quelques jours plus tôt, refermait encore la missive sur elle-même.

Afin de décorer les lieux à la hauteur de la surprise, il lança quelques sorts de-ci et de-là faisant apparaître fées lumineuses et blasons vivants de chaque maison. Dumbledore contempla son œuvre avec une certaine émotion, conscient que ce serait peut-être la dernière fois qu’il s’assoirait dans cette pièce mythique de Poudlard.

Aussi simplement qu’une comptine, il se remémora les mots exactes de la lettre qu’il serrait un peu trop fort dans sa main droite :

Citation :

Très cher Albus Dumbledore,

Suite à votre dévouement, votre application au travail et vos connaissances dans le domaine de la magie, le Grand Conseil et le Magenmagot se font le plaisir de vous proposer la place de Ministre de la magie que vous convoitez depuis si longtemps.

Il va de soi que vous ne pourrez cumuler ce poste et celui de directeur de Poudlard, nous avons donc très sérieusement étudié le profil de chacun de vos professeurs et élu votre remplaçant à l’unanimité. Si vous acceptez vos nouvelles fonctions, notre prestigieuse école sera confiée aux mains du reconnu Tom Jedusor, professeur de défense contre les forces du mal depuis quinze ans maintenant. Celui-ci s’est montré apte à reprendre les rênes de part ses talents et récompenses multiples. Nous pensons qu’il possède toutes les qualités requises pour répondre à notre demande.

En cas de réponse favorable de votre part, un hibou lui sera envoyé dans les plus brefs délais afin de lui expliquer la situation.

En attendant très promptement de vos nouvelles, nous vous adressons, Monsieur, nos salutations les plus sincères.

Les Membres du Grand Conseil et du Mangenmagot

Il fut sorti de ses pensées par l'entrée bruyante des élèves dans la Grande Salle. Lorsque chacun eut pris place et que le calme se fit, il prit la parole d'un ton enjoué :

"Bien souvent dans la vie, nous nous trouvons face à des choix qui peuvent bouleverser notre existence. Malheureusement, choisir, c'est renoncer. Et comme le dit le célèbre dicton : on ne peut pas être au chaudron et au moulin..."

Et tandis que Dumbledore faisait ses adieux aux élèves dépités, le professeur Jedusor ne put réprimer un rictus victorieux.

Quelques mois plus tard, septembre balaya l'été d'un revers de la main et Poudlard ouvrit ses portes, comme chaque année. Mais à la place du vieux sorcier bienveillant, un homme d'une beauté froide se tenait fièrement, dominant l'assemblée d'un oeil glacial. Tom Jedusor, l'un des mages les plus puissants de sa génération.
Pourtant, l'ancien directeur avait fait des pieds et des mains pour qu'on ne le choisisse pas comme remplaçant. Il avait toujours ressenti de la méfiance vis-à-vis de (mot de passe2: mais Rogue est plus sexy) Tom et ce depuis sa plus tendre enfance. Quelque chose ne tournait pas rond chez ce garçon, il en était persuadé. Cependant, comme toujours, le bougre avait séduit les membres du Ministère et avait obtenu gain de cause.

Le ténébreux sorcier leva son verre et, instantanément, le silence gagna les adolescents. D'une voix sifflante et pompeuse, il commença son discours de bienvenue.

"Je lève mon verre à Poudlard et à ses fondateurs sans qui nous ne serions pas réunis en ce lieu aujourd'hui! Comme ceux d'entre vous qui viennent de familles sorcières le savent sans doute, Helga Poufsouffle, Rowena Serdaigle, Godric Gryffondor et Salazar Serpentard ont fondé notre belle école il y a bien longtemps. A l'époque, peu d'élèves y étaient reçus, les familles sorcières n'étant pas légions. Mais un jour, certains fondateurs jugèrent bon de permettre aux jeunes enfants de moldus présentant des prédispositions pour la magie de gonfler nos rangs. S'ensuivit une violente dispute entre le noble et puissant Serpentard et les autres. Le Fourchelangue refusait catégoriquement que l'on donne accès à un art si prestigieux à de vulgaires rejetons de moldus. Mais la majorité l'emporta et Salazar décida donc de partir.

Voilà pourquoi certains d'entre vous sont assis ici sans même savoir se servir d'une baguette. Sans jamais avoir entendu parlé de l'Histoire de la sorcellerie. Sans rien connaître de notre monde à nous, sorciers de pure souche.

Autrefois, les moldus nous ont chassés, brûlés, massacrés... et en échange, nous leur avons ouvert les bras en éduquant leurs enfants entre ces murs. Sachez donc bien, enfants au sang impur, que c'est un privilège pour vous que d'être assis parmi de véritables sorciers dont les familles remontent à plusieurs générations et dont le sang a plus de valeur que tout votre or réunit. Vous n'appartenez pas à notre monde et, par conséquent, vous n'aurez pas accès à tous ses secrets. Remerciez dores et déjà vos condisciples purs de vous tolérer à leur table comme ils le font en ce moment, car ils ne sont en rien obligés d'y consentir.

Je lève mon verre à la pureté du sang et à nos ancêtres! Enfants de moldus, ne soyez pas effrayés par ce discours, soyez simplement reconnaissants et admiratifs de l'élite qui partage ses dortoirs avec vous! Je vous invite à délier vos langues et votre estomac. Lorsque vous regagnerez vos salles communes, vous y trouverez le nouveau règlement de l'école.
Bon appétit!"